Il est des destins étincelants qui ont choisi le silence.
Le Commandant Jean Dupont fut de ceux-là.
Jeune militaire au caractère indomptable, il se trouvait sur la base aérienne de Saint jean d'Angély lorsqu'il entendit l'appel lancé depuis Londres par le Général De Gaulle le 18 juin 1940.
Cet appel, il le reçut comme un ordre auquel sa conscience lui intimait de répondre. Il ne POUVAIT PAS accepter la reddition de la France! La soumission de son pays à l'ordre nazi lui apparaissait comme une vilenie inacceptable.
Avec quelques amis déterminés comme lui à poursuivre la lutte, il eut vite pris sa décision: rejoindre l'Angleterre.
Préparée très sommairement par le petit groupe, l'opération eut lieu le 20 juin 40. Et à vrai dire, elle ne pouvait guère être retardée davantage: les troupes allemandes n'étaient plus qu'à deux heures de la base dont elles devaient prendre possession avec l'aval des autorités dirigeantes.
Oh le plan était simple! Il suffisait de dérober deux avions et de s'envoler vers Londres...
On voit combien ce plan était fou. Ces jeunes gens avaient à l'évidence soit l'étoffe de purs héros soit la peau de parfaits inconscients -et sans doute étaient-ils un peu des deux à la fois. Car s'emparer de matériel militaire en pleine base militaire en période de guerre -autrement dit au beau milieu d'hommes armés jusqu'aux dents et prêts à tirer sur tout ce qui bougeait, cela ne relevait-il pas d'une gageure quelque peu insensée?
Leur seul atout était l'effet de surprise.
Et la nuit, dont ils comptaient bien faire leur alliée.
Les hardis compagnons, 20(?) au total, s'élancèrent dans la pénombre vers deux appareils qui, disposés sur le tarmac, attendaient comme le reste du matériel que l'armée allemande s'en empare. Qu'ils réussissent ou qu'ils échouent, ces deux-là au moins ne tomberaient pas entre les mains ennemies.
Les moteurs s'allumèrent, les hélices tournèrent, les avions commencèrent à bifurquer lentement vers la piste.
On imagine combien leurs passagers devaient avoir le cœur battant! Combien ils devaient souhaiter que ces mécaniques soient un peu plus vives. Et combien ils devaient prier!
Les avions étaient sur la piste... L'un après l'autre, ils s'élancèrent.
Déjà, l'alerte était donnée. Les soldats français préparaient la mitraille. Ils tiraient! Ils tiraient sur leurs frères "déserteurs", car c'était les ordres!
L'obscurité fut-elle l'alliée précieuse qu'on avait attendu? Y eut-il des maladresses volontaires de ceux qui, restés au sol parce qu'ils n'osaient pas partir, soutenaient de tout coeur leurs amis qui avaient eu le cran de le faire? Ou une force invisible répondit-elle aux prières des jeunes héros?
Quelle qu'en soit la cause, malgré les tirs nourris, ils passèrent.
Les deux
avions s'envolèrent à tire d'aile et arrivèrent après quelques
heures et certaines tribulations à St Yvel. Sur le document ci-dessous, on voit noté ligne 10 : "passé en Angleterre le 20-6-1940".
Là, c'était un peu la pagaille pour tout dire.
De très nombreux candidats à la liberté les avaient imités. Ils furent au total quelque 23000 à avoir répondu à l'appel de De Gaulle. 23000... avec le recul, on se dit que c'était peu comparé aux 40 millions d'habitants que comptait notre pays. Ils formaient LA FRANCE LIBRE.