Nous sommes aujourd'hui le 19 juin, et je me souviens...
Je me remémore des destins
étincelants qui ont choisi le silence.
Le Commandant Jean Dupont fut de ceux-là.
C'était un jeune adjudant-chef au
caractère indomptable, et il se trouvait sur la base aérienne de Saint jean
d'Angély lorsqu'il entendit l'appel du 18 juin 1940 lancé depuis Londres par le Général De
Gaulle.
Cet appel, il le reçut
comme un ordre auquel sa conscience lui intimait de répondre. Il ne POUVAIT PAS
accepter la reddition de la France ! La soumission de son pays à l'ordre nazi
lui apparaissait comme une vilenie inacceptable.
Avec quelques amis
déterminés comme lui à poursuivre la lutte et placés sous les ordres du Commandant Georges Goumin, il eut vite pris sa décision :
rejoindre l'Angleterre. Peu importait de laisser derrière soi son pays, ses amis, sa famille qui, peut-être, aurait à subir des représailles. C'était la liberté qu'ils voulaient servir.
Préparée très sommairement
par le petit groupe, l'opération eut lieu dans la nuit du 19 au 20 juin 1940. Et à vrai dire, elle
ne pouvait guère être retardée davantage : les troupes allemandes n'étaient plus
qu'à deux heures de la base dont elles devaient prendre possession avec l'aval
des autorités dirigeantes.
Oh, le plan était on-ne-peut-plus simple !
Il suffisait de dérober un avion et de s'envoler vers Londres...
On voit combien ce plan
était fou. Ces jeunes gens avaient à l'évidence soit l'étoffe de purs héros
soit la peau de parfaits inconscients - et sans doute étaient-ils un peu des
deux à la fois. Car s'emparer de matériel militaire en pleine base militaire en
période de guerre, autrement dit au beau milieu d'hommes armés jusqu'aux dents
et prêts à tirer sur tout ce qui bougeait, cela ne relevait-il pas d'une
gageure quelque peu insensée?
Leur seul atout était
l'effet de surprise.
Et la nuit, dont ils
comptaient bien faire leur alliée.
Les hardis compagnons, 19 au total - dont une femme, l'épouse du Commandant Goumin -, s'élancèrent dans la pénombre vers un Farman 222 qu'ils avaient disposé
un peu plus tôt sur le tarmac, et qui attendait comme le reste du matériel que l'armée allemande
s'en empare. Qu'ils réussissent ou qu'ils échouent, celui-ci au moins ne
tomberait pas entre les mains ennemies..!
On était le 20 juin, il était 2 h du matin. Les moteurs s'allumèrent,
les hélices tournèrent, l'avion commença à bifurquer lentement vers la
piste.
On imagine combien les
passagers devaient avoir le cœur battant ! Combien ils devaient souhaiter que
cette mécanique soit un peu plus vive. Et combien ils devaient prier !
L'avion étaient sur la
piste... Il s'élança.
Déjà, l'alerte était
donnée. Les soldats français préparaient la mitraille. Ils tiraient ! Ils
tiraient sur leurs frères "déserteurs", car c'était les ordres !
L'obscurité fut-elle
l'alliée précieuse qu'on avait attendu ? Y eut-il des maladresses volontaires de
ceux qui, restés au sol parce qu'ils n'osaient pas partir, soutenaient de tout cœur leurs amis qui avaient eu le cran de le faire ? Ou une force invisible
répondit-elle aux prières des jeunes héros ?
Quelle qu'en soit la
cause, malgré les tirs nourris, ils passèrent.
L'avion
s'envola à tire d'aile et arriva après quelques heures à St Yvel. Il était 8h30, et ils étaient les premiers Français à fouler le sol britannique pour répondre à l'Appel de De Gaulle. En effet, les tous premiers à avoir quitté la France pour rallier De Gaulle étaient en réalité les jeunes aviateurs de l'Ecole du Mans, qui s'étaient embarqués le 19 juin sur un simple langoustier, "Le Trébouliste", afin de rejoindre Londres ; mais la traversée ayant été difficile, ils ne purent toucher les côtes anglaises que le 23 juin...
Jean Dupont et ses compagnons intrépides furent donc les "Premiers Evadés de France", ainsi qu'on avait tout d'abord appelé les fugitifs ayant répondu à l'Appel du 18 juin. Son carnet militaire montre qu'il fut engagé dans les Forces Françaises Libres le 24 Juin.
Lors du 14 juillet fêté à Londres en 1940, ils sont 300 Français à être là pour célébrer la liberté... Certains renoncèrent et rentrèrent en France, jugeant la guerre perdue d'avance. Dans son livre "Cap Sans Retour" (Solar, 1948), Germaine L'herbier-Montagnon, qui relate par le détail toutes les aventures individuelles, n'a pas de mot assez dur contre ceux qu'elle qualifie de "lâches". Mais finalement, ils furent quelque 23000 à avoir répondu à l'appel de De Gaulle. 23000... avec le recul, on se dit que c'était peu comparé aux 40 millions d'habitants que comptait notre pays.
Sur place, rien n'était simple ; il y avait toute une organisation à mettre en place. Il faudrait installer une
hiérarchie, faire l'inventaire des forces dont on disposait, tant humaines que
matérielles (les armes qu'on avait pu voler, çà comptait aussi). Mettre en
place des formations sommaires pour rendre les hommes opérationnels.
Eux de leur côté devraient
apprendre l'Anglais pour communiquer avec ceux qui les accueillaient.
Puis très vite, on les
enverrait au combat. Auparavant, on leur aurait délivré un passeport canadien ;
ainsi, s'ils étaient pris par l'ennemi, seraient-ils traités comme prisonniers
de guerre, et non pas fusillés ainsi que les y condamnait leur statut de
"déserteurs" français.
Jean Dupont, lui, avait
une formation de mécanicien aviateur. Mais rapidement, c'est à la fonction de
pilote qu'il fut propulsé.
De nombreux combats
l'attendaient, des aventures tragiques ou incroyables dont il n'avait pas
encore la moindre idée.
Il était séparé des siens, de sa famille, de son pays et ignorait quand il les reverrait. Le monde était à feu et à sang, et la situation paraissait inexorablement à l'avantage d'Hitler.
Il était séparé des siens, de sa famille, de son pays et ignorait quand il les reverrait. Le monde était à feu et à sang, et la situation paraissait inexorablement à l'avantage d'Hitler.
Mais malgré les sombres
nuages, il avait choisi son destin.
Désormais, Jean Dupont était : FRANCAIS LIBRE !
Désormais, Jean Dupont était : FRANCAIS LIBRE !